Kelbian Carvalho, fils de Moacir Carvalho, essaie de prouver sa valeur à son père. Il a un plan sur lequel il travaille d'arrache-pied avec son demi-frère Diogo. Un plan qui, s'il fonctionne comme prévu, pourra faire oublier la réussite de son grand frère et de sa chaîne hôtelière.
En attendant, il faut continuer à faire fonctionner la distillerie de canne à sucre familiale qui produit cet éthanol dont est friande l'Europe. Avec les moyens du Sertão brésilien : travailleurs exploités, analphabétisme et salaires de misère tandis que les pots-de-vin achètent les sénateurs de Brasília qui poussent à l'amnistie de la dette contractée par les producteurs.
Mais dans ce tableau presque idyllique, un responsable syndical disparaît avec des documents compromettants, et un agent immobilier de seconde zone porte le chapeau. Sa surprenante faculté de survie va modifier la donne.
Ah, ces jeunes. Comme j'aimerais pouvoir me contenter ainsi de la surface des choses. Sachez qu'ils ne sont pas loin, mon cher Kelbian. Je vois que vous êtes encore vert en politique. Je connais bien notre Président et je peux vous assurer que ce genre de chambardement n'entrera jamais dans ses projets. J'ajouterais même, pour vous tranquilliser tout à fait, que même si l'un de ses successeurs souhaitait cette réforme agraire, il lui serait impossible de la mettre à l'œuvre. Non seulement le Congrès s'y opposerait, mais nos amis de l'armée n'hésiteraient pas à intervenir s'il tentait un passage en force. Ce qui, soit dit en passant, nous arrangerait assez. N'oubliez pas que le Pró-Álcool est leur œuvre. Non, franchement, vous pouvez dormir sur vos deux oreilles. Nous vivons dans un pays libre. La propriété est et restera un droit inaliénable.Premier roman de Hubert Tézenas, né à Paris en 1962, traducteur de Mo Hayder et de Robert Crais, L'or de Quipapá (éditions L'écailler, 2013, 205 pages) dresse les portraits et dessine les paysages dans une écriture rapide et claire qui se lit d'un trait, avec juste ce qu'il faut de suspens et d'inconnu qui se révèle petit à petit.
Il est cependant dommage que ce récit ne s'inscrive pas plus dans l'histoire réelle, ce qui donne l'impression d'aligner des poncifs sur l'exploitation des peuples autochtones et des classes sociales, sur la collusion des pouvoirs économiques et politiques ainsi que des policiers et de la pègre, alors que le Brésil ne manque pas d'exemples réels, comme le récent meurtre d'un leader Guarani qui luttait contre la spoliation des terres tribales par des propriétaires terriens dont certains se trouvent être aussi politiciens.
Cher Alexis,
ReplyDeletetout d'abord un grand merci pour l'attention que vous avez accordée à mon livre. Sa faiblesse, comme vous le remarquez à juste titre, est sans doute de donner l'impression d'un Brésil sans espoir (impression que je m'efforce de corriger chaque fois que j'en ai l'occasion). Il faut dire que j'ai conçu cette histoire en 1991 et que je l'ai située en 1987, cest-à-dire juste après la fin de la dictature militaire, à une époque où je vivais dans l'intérieur du Pernambouc. Le MST (Movimento dos Sem Terra) venait d'être lancé dans le sud du pays (1984) et n'existait pas dans le Nordeste sucrier. J'aurais pu me fendre d'une postface ou modifier certaines choses, mais j'ai fait le choix (littéraire) de rester fidèle à ma perception de l'époque. J'espère avoir l'occasion de revenir sur ces sujets dans un deuxième roman, lui aussi situé au Brésil, mais dans les années 90, qui ont été riches en basculements.
Bien cordialement,
Hubert Tézenas
Cher Hubert,
DeleteMerci pour votre commentaire qui replace votre roman dans une trame temporelle qui m'a échappée à sa lecture.
Le Brésil vu de l'extérieur cherche à se donner une image de nation porteuse de grands projets industriels, même si ces projets ont un coût qui n'est jamais comptabilisé dans les chiffres de sa croissance. Dans le même temps, il semble un véritable Far West où tout est possible, je pense notamment à l'industrialisation de l'Amazonie par le barrage de Belo Monte et les autres qui sont déjà dans les cartons (le documentaire Belo Monte, An Announcement of War illustre bien ces coûts humains et écologiques passés sous le tapis), ou encore la question des peuples autochtones et de la survie de leur mode de vie (les Awá qui sont sous le feu de quelques projecteurs, mais bien d'autres encore).
Dès que l'on creuse un peu, on s'aperçoit vite que les personnages de votre roman et leurs modes de vie ne sont pas si fictifs que cela puisque la réalité les rattrape encore de nos jours, loin des clichés des plages de Rio et du Carnaval.
C'est avec impatience que j'attends la sortie de votre prochain roman qui éclairera sans doute d'autres aspect de cette société brésilienne si contrastée.
Alexis