Dans ces trois textes parus au tout début du siècle, Aux travailleurs (1900), Où est l'issue (1902) et Le grand crime (1905), Léon Tolstoï explique à ses contemporains que le crime principal du capital est celui de posséder la terre sans la travailler. Tandis que la majorité des paysans en Russie et dans les autres pays travaillent une terre qui ne leur appartient pas, les propriétaires de ces terres s'accaparent les richesses qu'elles produisent.
Il place cette injustice au même rang que l'esclavage et le servage déjà abolis, crime moral que la révolution russe qui commence ne cherche pas à combattre, celle-ci se focalisant sur les ouvriers et les fabriques et oubliant le rôle primordial des paysans, et la liberté de pouvoir produire sa propre nourriture sans devoir reverser une part de sa production pour payer un propriétaire terrien.
Il y dévoloppe les thèses de Henry George, économiste politique américain né en 1839 et décédé en 1897, et plus particulièrement sa proposition d'un impôt unique sur la terre, celle-ci ne pouvant être propriété privée mais seulement commune.
Tolstoï présente tantôt ses idées sous forme de courtes fables qui illustrent l'injustice faite aux paysans, tantôt sous forme d'argumentaires au fondement religieux.
— Père, pourquoi lui amenons-nous notre blé ? C'est nous pourtant qui l'avons fait pousser.Aux travailleurs (éditions Le pas de côté, 2012, 125 pages), écrit par Léon Tolstoï (1828-1910), traduit du russe par Jean-Wladimir Bienstock et Ely Halpérine-Kaminsky.
— C'est que la terre est à eux, répond gravement le père.
— Et qui leur a donné la terre ?
— Voilà, demande-le à l'employé, il te montrera qui ; tu vois le fouet qu'il tient ?
— Et que feront-ils de ce blé ?
— Ils le moudront et le vendront.
— Et que feront-ils de l'argent ?
— Ils en achèteront ces gâteaux que tu as vu sur la table en passant.
Le garçon se tait et réfléchit. Mais il n'en a guère le temps, on crie au père d'approcher le chariot de la meule.
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