Réflexions sur Shanghai par un écrivain français invité en résidence par l’association des écrivains de la ville, Béton armé n’est ni un livre de voyage, ni un roman de circonstance adapté à l’exotisme de la Chine contemporaine.
Philippe Rahmy y évoque pêle-mêle sa découverte de la ville par ses yeux d’occidental ne parlant pas la langue, à la recherche des scènes du quotidien shanghaïen, et ses souvenirs personnels et familiaux, la maladie qui l’a isolé dès son plus jeune âge.
Entre les lignes se découvre la solitude de l’écrivain, observateur obligé de la vie des autres, faisant des liens entre passé et présent, entre des cultures que rien ne rapproche sinon son regard. Un regard qui se pose sur tout avec équanimité : la surveillance policière, une vieille qui défèque derrière des poubelles, un couple qui gémit dans la chambre d’à-côté, la gastronomie chinoise où tous les animaux sont débités au hachoir.
Une vieille qui m’arrive à la taille me demande de l’argent. Elle parle avec des craquements comme si elle avait la bouche pleine de sauterelles. Je luis souris pour qu’elle parte. Elle reste. Elle sent l’eau tiède et les épluchures. Elle serre mon poignet. Elle parle comme en représentation, avec des larmes et des grands gestes. Soudain, je la comprends. Ses yeux disent « fils ». Ils trouvent le fils en moi. Maintenant, elle compte la monnaie que je lui ai donnée. Les premiers touristes s’installent aux terrasses ensoleillées. Ils se protègent de la vapeur d’eau pulvérisée par une voiturette d’entretien. Leur vulgarité est aussi la mienne. La pauvreté m’écœure.Béton armé (éditions La table ronde, 2013, 208 pages), écrit par Philippe Rahmy écrivain né à Genève en 1965.
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