David travaille dans un grand cabinet d’architecture à La Défense quand la crise économique frappe, encore et encore, de plus en plus durement. Le chômage augmente jour après jour, la pénurie s’installe, aidée par des attentats qui brisent le fragile édifice de l’approvisionnement et des années de sécheresse qui réduisent les productions agricoles, tant et si bien que se nourrir est devenu un défi quotidien. Alors qu’il survit bon gré mal gré, traversant un Paris où les troubles sont de plus en plus importants à bord de son scooter (il lui reste encore deux bidons d’essence, ce qui en fait un nanti dans la foule de vélos qui circulent dorénavant), il perd finalement son emploi lui-aussi, et se résout à quitter la ville.
La situation s’aggrave, des check-points militaires fleurissent un peu partout, des émeutes éclatent sporadiquement, et le voici entraîné dans les cohortes qui fuient les villes sur les routes d’un exode sans but, sinon celui peu glorieux des camps humanitaires où la nourriture est distribuée par l’armée.
Cette vision des voies désertes, récemment condamnées par un enchevêtrement de herses métalliques et de protections diverses, est surréaliste et les laisse sans voix. Nulle image, ou bribe d’information ne les a préparés un tant soit peu à un tel spectacle. Encore sous le choc du meurtre auquel ils viennent d’assister, ils découvrent un Paris cadenassé aux allures de camps retranché dont aucun journaliste n’a jamais parlé. Ils croisent quelques personnes qui se déplacent entre les tas de détritus sans doute à la recherche d’un hypothétique ravitaillement. En l’espace de quelques semaines, la ville est devenue une décharge à ciel ouvert. À cet endroit, les égouts aux pompes hors d’usage et les réseaux d’assainissement bouchés exhalent un parfum suffocant qui s’accroche à la peau et aux vêtements. Vince remonte son tee-shirt sur son nez, alors que Jacques semble mieux supporter l’odeur des matières en décomposition. Sous un soleil de plomb, les deux amis suivent le cordon sanitaire érigé sur le périphérique, et arrivent enfin à la porte de Bagnolet qui marque le point de passage au-delà de Paris intra-muros vers l’A3. L’endroit est désormais fortifié.Roman fortement ancré dans un réel très convaincant, Vicilisation — La Chute illustre la fin d’une civilisation qui s’effondre d’un coup, où la simple survie devient préoccupante. Mais si la première partie du roman est pour le moins pessimiste, l’espoir renaît au fil des pages dans l’établissement d’une communauté à l’échelle humaine.
Ce livre est une critique de l’urbanisation trop poussée qui nous éloigne d’une réalité naturelle où l’on sait d’où vient notre nourriture, l’aboutissement d’une société qui suit sans réflexion la voie rapide du consumérisme sans limite. Car la nature a des limites qu’il va bien falloir un jour prendre en compte, et un rythme propre dont on ne peut s’abstraire.
Vicilisation - La chute (éditions Crm Sector, 2011, 288 pages), est un roman de Chris Antone, auteur français et consultant en transition qui lui a dédié un blog.
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