Branta bernicla, Pascal Guillet

Aujourd'hui, on est lundi, à Londres comme ailleurs. Simon, trader spécialiste du pétrole (et plus spécifiquement du brent, d'après le nom d'une oie sauvage, la Branca bernicla ou Brent goose en anglais) comme d'autres le sont du blé, nous raconte sa vie de tous les jours, ou plutôt sa vacuité, sans état d'âme et sans illusion ni faux-semblant. C'est que la langue de bois n'a pas sa place dans ce journal intime écrit à la première personne.

On y apprend que ceux qui sont censés comprendre les marché n'y comprennent rien et jouent à pile ou face, à la hausse ou à la baisse, sur des intuitions basées sur ce que d'autres, qui n'en savent pas plus, semblent penser.

C'est comme ça que j'ai acheté 2000 lots de pétrole, un lundi matin. Ce n'est pas tant que ça, au fond. Mais bon, ce n'est quand même pas mal, pour un lundi matin. Surtout si tu as mal dormi la veille.

C'est un monde où chacun fait comme les autres (mêmes chemises, mêmes costumes, mêmes journaux et mêmes clubs de striptease) et se garde bien d'avoir des idées personnelles sur quoi que ce soit, à commencer par le monde de la bourse et de la finance.

Que les prix montent ou baissent, c'est la Chine, et dès que la bourse de New-York ouvre, c'est au cri de « Les Américains arrivent ! » que l'effervescence reprend et que les marchés s'alignent.

D'ordinaire, c'est la panique lorsque les Américains arrivent. Mais ils ne font rien aujourd'hui. Souvent lorsqu'ils arrivent, tout se met à partir dans tous les sens. On crie souvent : « Les Américains arrivent ! » quand les Américains arrivent. Ils achètent ou bien ils vendent. Peu importe.

Mais Simon n'est pas dupe et nous montre toute la vacuité fumeuse des théories économiques d'analyse (le Inverse Head and Shoulder, le nuage d'Ichimoku…) qu'il retrouve aussi dans l'art contemporain, et partage ses désirs et ses velléités de changement.

Branta bernicla (éditions Verticales/Gallimard, 2012, 197 pages) est le premier roman de Pascal Guillet, né à Belfort en 1981, qui vit et travaille à Londres.