Wednesday, July 17, 2013

Porte-voix, Roland Pottier

Porte-voix, Roland Pottier

Dans son premier roman Porte-voix, Roland Pottier évoque la Martinique et les personnages qu'il y rencontre dans une écriture riche et fluide à la fois, qui nous imprègne des couleurs et des parfums de l'île, mais aussi de la recherche de l'identité familiale de sa femme qui le renverra à la sienne. Puis c'est l'accident vasculaire cérébral, aussi soudain que dévastateur, qui rompt le cours du récit autobiographique et le transforme du roman au témoignage étalé sur dix années de l'aphasique qu'il est devenu, de sa quête du langage qu'il a perdu, tant oral puisqu'il ne peut plus prononcer de mots sans qu'ils ne s'entrechoquent dans sa bouche et sortent chahutés, concassés, que du langage écrit et ses difficultés à comprendre les phrases trop compliquées ou les tournures imagées.

Véritable plongée dans l'essence du langage, ce récit nous montre de l'intérieur les difficultés à se reconstruire et la formidable plasticité cérébrale qui, à force d'efforts toujours renouvelés, lui permettent de composer un texte riche d'allitérations et d'humour, de répétitions scandées en vers libres, expression d'un regard changé sur la vie. Il y fait un parallèle poignant sur ses difficultés d'apprentissage face à ses petits-enfants qui savent déjà dire papa et maman alors qu'il ânonne difficilement de son côté, sans pour autant perdre espoir.
Monsieur l'officier de l'État civil connaissait la rigueur, les ornements, les volutes et les finesses d'un langage administratif qui exhalait encore un délicat parfum d'ancien régime.

Était-ce dû à une sorte d'effet de contagion, mais le surcroît d'intérêt que Marica manifesta cette année pour ses origines éveilla en moi une soudaine curiosité au sujet de mes ancêtres.
Si mon cerveau est une sorte de palimpseste
il aurait fallu en restaurer les couches innombrables
d'idées… d'images… les unes… après les autres…
en ôter les startes d'oubli et d'obscurité
jusqu'au substrat de la réalité
de mon langage d'avant
jusqu'au fond de la zone de Broca…
jusqu'à la mémoire géologique des mots
L'aphasie dont souffre Roland est une aphasie expressive, ou aphasie de Broca, provoquée chez lui par un accident vasculaire cérébral, doublée d'une hémiplégie (paralysie de la moitié du corps) qui l'oblige à apprendre à écrire de la main gauche. Pour plus d'information sur l'aphasie, la Fédération nationale des aphasiques de France offre un soutien et une information aux aphasiques eux-mêmes et à leur entourage.

Porte-voix (éditions Presque Lune, 2012, 112 pages), écrit par , né en 1940, marié et père de trois enfants.

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