Le goût de l'émeute nous apprend combien les terrassiers des sablières de Draveil durent se battre en 1908 pour faire baisser leurs horaire de travail journalier de 12 heures à 10 heures, et enfin avoir droit à un jour de repos hebdomadaire, pourtant obligation légale depuis juillet 1906.
Grèves générales, manifestations et émeutes se trouvaient à partie avec l'occupation militaire de la région pour protéger le « droit au travail » des briseurs de grève, pour la plupart embauchés en province. Les régiments de dragons chargeaient la foule sabre au clair pour mater la rébellion de la classe ouvrière, faisant fi des femmes et enfants présents.
D'autres mouvements sont étudiés, commes les industries boutonnières de l'Oise en 1909, l'exécution de Francisco Ferrer en Espagne en 1909 et ses répercussions à Paris (pédagogue et anarchiste espagnol, il fut l'initiateur de l'École moderne, et tenu à tort responsable de la Semaine tragique), l'atmosphère de révolte du Faubourg Saint-Antoine et l'affaire Liabeuf en 1910 qui nous montre la vie de ceux qu'on appelait les Apaches.
La concurrence que se livraient les entreprises pour l'accaparement des terrains devint alors sans pitié, et les plus fragiles d'entre elles durent se retirer de la course. En 1906, les plus gros entrepreneurs de la région (Piketty, Morillon-Corvol, Lavollay, Charvet) se regroupèrent pour former la Société des sablières de la Seine, chargée d'acheter ou de louer les terrains et de les répartir entre les entreprises associées en fonction de leur importance. C'est elle qui devait désormais fixer le prix de vente du sable et facturer l'évacuation des déchets. Cette entente entre les patrons des principales entreprises eut pour premier résultat de faire baisser les salaires de 50 centimes à 44 centimes de l'heure.Cette lutte des classes n'était pas une simple formule, et la solidarité jouait son plein des deux côtés : soupes communistes financées par des collectes et envoi des enfants de grévistes dans des familles d'ouvriers d'autres régions contre pacte de solidarité des patrons pour ne pas traiter avec les syndicats, et entente pour faire baisser les salaires.
Le goût de l'émeute, manifestations et violences de rue dans Paris et sa banlieue à la « Belle Époque » (éditions L'échappée, 2012, 208 pages), écrit par Anne Steiner, maître de conférences en sociologie à l'université de Paris Ouest Nanterre, qui a travaillé sur les mouvements de lutte armée des années 1970, la fonction sociale du café dans les anciens quartiers populaires, et enfin sur le mouvement individualiste anarchiste.
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